Experimental Ophthalmology Laboratory of Liege
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Une nouvelle vision de la dégénérescence maculaire liée à l'âge.

L'année 2005 restera dans les annales comme l'année remarquable à plus d'un titre pour l'histoire naturelle et le traitement de la dégénération maculaire liée à l'âge (en abrégé, DMLA).

Qu'il soit permis de rappeler que la DMLA est la première cause de cécité légale dans les populations occidentales. Elle touche 9% des personnes de plus de 65 ans et la prévalence s'accroît avec l'âge (28% après 75 ans). On considère que 275.000 belges sont actuellement atteints d'une forme tardive de la maladie (atrophique ou néovasculaire), alors que 375.000 présentent des signes précoces de la maladie. Le vieillissement progressif de la population ne va certainement pas arranger ces statistiques. Cliniquement, la maladie provoque le dysfonctionnement de la partie centrale de la vision (à l'opposé de la rétinopathie pigmentaire qui touche le champ visuel périphérique), avec une perte parfois rapide des capacités de lecture ou de conduite.

Dans ce contexte existait un besoin urgent de nouvelles connaissances, tant du point de vue du mécanisme de cette maladie source de cécité, que de son traitement. Nous pouvons sans être excessifs déclarer que durant l'année 2005 sont arrivés des données fondamentales sur ces deux plans.

Comme dans beaucoup de maladies, l'importance des facteurs familiaux " génétiques " était suspectés de puis plusieurs années, notamment par l'étude comparative de l'incidence de la maladie chez des jumeaux mono- ou dizygotes (vrais ou faux jumeaux). Plusieurs gènes impliqués dans des maladies rares (comme le gène ABCR de la maladie de Stargardt, le gène EFEMP-1, le gène de l'apolipoprotéine E) ont été associés à un petit pourcentage de cas de DMLA. Au début de cette année, trois publications parues simultanément dans la prestigieuse revue " Science " ont démontré qu'une mutation du gène codant une protéine du complément (nom scientifique : CFH pour " complement factor H ") était associé à la moitié des cas de DMLA.

Quel est le rôle du complément et plus particulièrement du facteur H ?

Le complément est un ensemble de protéines qui interviennent dans la première ligne de défense du corps contre les infections. Il permet de reconnaître, d'attaquer et de tuer les bactéries ou les virus, notamment en forant des trous dans les membranes des microorganismes. Il ne faut évidemment pas que le système s'emballe, sans quoi, des dégâts surviendraient non seulement sur les agents pathogènes mais aussi au sein des tissus nobles du corps humain. L'activité du complément est donc contrôlée de façon très étroite, et le facteur H représente un des inhibiteurs solubles les plus importants de son activation. Le tabagisme (on sait que les fumeurs ont un risque accru de développer une DMLA) s'accompagne d'une activation du complément. Inversement, une alimentation riche en Zinc (dont l'étude AREDS a montré il y a quelques années un effet bénéfique sur le risque d'évolution de la DMLA) accroîtrait l'efficacité du facteur H. Cette découverte du rôle du complément dans la genèse de la maladie va permettre la création de nouveaux modèles de DMLA, mais aussi de nouvelles cibles thérapeutiques.

La pharmacothérapie de la DMLA, au moins dans sa forme exsudative (c'est la forme liée à la présence de vaisseaux anormaux sous la rétine) représente la seconde avancée majeure.

Jusqu'à présent, la photothérapie à la Visudyne (destruction des néovaisseaux par un rayonnement laser rendu plus sélectif grâce à l'injection simultanée d'un médicament, la Visudyne) était le seul traitement efficace. Il faut toutefois rappeler que dans la majorité des cas, le résultat de ce traitement permettrait surtout de diminuer la gravité de l'évolution plutôt que de recupérer des fonctions visuelles satisfaisantes. De plus, cette thérapeutique ne concernait qu'une partie des formes néovasculaires.

Devant ces résultats mitigés de la photothérapie, une série de molécules était en phase avancée d'évaluation (phases cliniques III) dans le but de limiter les effets délétères secondaires à la présence de néovaisseaux sous la rétine. Ces traitements ont en commun le fait d'inhiber un facteur de croissance (le facteur de croissance endothéliale ou VEGF) responsable du développement de néovaisseaux de même que des anomalies associées de perméabilité vasculaire, deux des principaux responsables de la chute d'acuité visuelle.

Le premier médicament à avoir été accepté (aux USA) dans cette indication est le Macugen développé par la firme Pfizer. L'injection mensuelle de ce produit dans l'œil (cette injection nécessite une piqûre) permet, quelle que soit la forme de DMLA exsudative, d'enrayer partiellement l'évolution de la maladie. Ce médicament devrait être disponible l'année prochaine au sein de la CEE. L'autre médicament qui possède un mécanisme d'action similaire (Lucentis, développé par la firme Novartis) n'est pas encore accepté. Les résultats avancés pour le Lucentis lors des congrès internationaux sont cependant très impressionnants, avec, et c'est la première fois dans toutes les études randomisées ayant évalué l'efficacité d'un traitement de la DMLA, une amélioration de l'acuité visuelle moyenne par rapport à l'acuité visuelle de départ après une année de traitement.

Ces médicaments ont en commun un mode d'administration contraignant et non dénué d'effets secondaire (injections intraoculaires à répétition). De nouvelles recherches seront nécessaires pour déterminer la possibilité de ne pas devoir injecter les agents thérapeutiques à l'intérieur de l'œil, de diminuer la fréquence des injections, ou la possibilité d'administrer des médicaments à la libération prolongée. C'est cette dernière stratégie qui a été choisie par les développeurs d'un médicament agissant selon un autre principe que les précédents (Retaane de la société Alcon).

En conclusion, aussi bien au niveau du mécanisme de survenue de la DMLA que de son traitement, l'inflammation semble représenter un facteur clé insuffisamment pris en compte par le passé et dont le contrôle réussi pourrait offrir de nouvelles perspectives pour les patients atteints de ce fléau.

Prof. Jean-Marie Rakic
Université de Liège
Paru dans : PLEIN JOUR N°1/2006.

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